CSF Magazine n° 130 - Les Français et leur justice : le grand malentendu
Les Français et leur justice : le grand malentendu
La justice occupe une place de plus en plus grande dans notre vie quotidienne. Elle est davantage présente en tous domaines : le droit du travail, le droit des consommateurs, les droits des locataires et des propriétaires, mais aussi, bien sûr, le droit pénal. Or, 73 % des Français, dans un sondage publié en juillet dernier*, pensaient que la justice fonctionnait mal. Dans un appel publié dans la presse, 3 000 magistrats – soit environ un tiers de la profession – lançaient un signal d’alerte : ils considèrent ne plus pouvoir exercer leur mission dans des conditions normales. Le grand malentendu est là : la justice est de plus en plus présente dans nos vies, mais la majorité des Français ne connaît guère son fonctionnement.
Le système judiciaire français apparaît d’abord dans sa grande diversité. Les juridictions sont spécialisées. Trancher un litige entre un propriétaire et un locataire ne demande pas la même expertise que celle pour juger un escroc ou un trafiquant de drogue. Examiner la situation d’une société en risque de faillite demande des compétences particulières pour déterminer si la liquidation est inévitable ou si un repreneur peut la sauver.
Les relations entre employeurs et salariés relèvent également du Code du travail dont l’application exige une spécialisation. Bref, des milliers de conflits différents, et il n’est pas surprenant que la justice soit d’abordspécialisée :
- les litiges entre personnes privées relèvent ainsi des tribunaux judiciaires ;
- les litiges avec une administration publique sont de la compétence des tribunaux administratifs ;
- les crimes et délits sont l’affaire de la justice pénale ;
- employeurs et salariés se retrouvent devant les conseils de prud’hommes ;
- les tribunaux de commerce appliquent le droit des sociétés ;
- et il faudrait aussi citer les tribunaux des affaires sociales, les tribunaux paritaires des baux ruraux…
Faut-il déplorer cette complexité ? Elle apparaît opaque pour beaucoup de citoyens qui ne la comprennent pas. Mais cette spécialisation est une évidente nécessité. La compétence du juge est une garantie contre l’arbitraire. La complexité tient aussi aux possibilités d’appel d’un jugement dont on n’est pas satisfait, voire d’une demande de cassation d’un arrêt qui paraît contestable. Évidemment, ces procédures demandent du temps, elles éloignent de plus en plus la date du litige et la date de la décision finale. Mais cette possibilité d’appel et de cassation est à l’évidence indispensable pour empêcher les erreurs ou l’arbitraire. Là encore, la complexité n’est pas nécessairement ennemie du citoyen. C’est ailleurs que se situent les causes de l’incompréhension.